40. Triangle Nicholas-Waller-Laurier

Construction : Vers 1892 et vers 1902-1908

Architectes : Inconnu

Emplacement : 160-162 et 168, rue Waller, Ottawa

Démolition : 13-14 novembre, 2002

 

La parcelle qu’on appelait le triangle Nicholas-Waller-Laurier, délimitée par les rues Nicholas et Waller et l’avenue Laurier Est, était considérée comme une porte d’entrée du quartier historique de la Côte-de-sable. De nombreuses maisons uni- et multifamiliales datant de la fin du 19e siècle et du début du 20e y servaient encore de résidences jusque dans les années 1950.

Construit vers 1892, le joli duplex au 160-162, rue Waller était une maison en brique rouge de deux étages à toit mansardé. Chaque unité comportait un portail avec un fronton soutenu par des consoles et une fenêtre de style cottage. La ligne de toit était interrompue par une lucarne à pignon en retrait centrée au-dessus de la porte.

Au sud, le 168, rue Waller était une maison individuelle toute simple de deux étages, à toit plat et placage en brique. Elle avait été construite entre 1902 et 1908. Son élément caractéristique était le perron avec colonnes tournées et pilastres, mis en valeur par des consoles et des panneaux chantournés décoratifs.

En 1975, l’ensemble du triangle Nicholas-Waller-Laurier est exproprié par la Commission de la capitale nationale (CCN), de prime abord pour le protéger d’un aménagement débridé. Le 3 février 1982, la Ville d’Ottawa désigne la maison Odell (1884), au 180, rue Waller à l’angle sud du triangle, en vertu de la partie IV de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.

La même année, la Ville choisit le trajet Nicholas-Waller pour une nouvelle artère nord-sud, faisant du triangle un îlot virtuel au milieu de voies de circulation.

Dans les années 1990, après avoir démoli trois résidences vacantes, la CCN charge ses planificateurs de consulter le groupe Action Côte-de-sable, Patrimoine Ottawa, OC Transpo et le secteur privé afin de trouver une solution à usage mixte qui permettrait de sauver cinq immeubles subsistants.

En 1998 cependant, la CCN renonce à protéger quatre de ces immeubles, y compris les 160-162 et 168, rue Waller (mais pas la maison Odell), en signant un bail de 15 ans avec l’Université d’Ottawa.

Patrimoine Ottawa et Action Côte-de-sable sont consternés d’apprendre en juillet 2001 que la CCN a vendu le triangle au complet (moins la maison Odell). L’acquéreur est le Groupe Lépine, un promoteur immobilier montréalais, qui a convenu d’intégrer les quatre maisons restantes à un édifice en hauteur de 212 appartements.

L’accord conclu sur le plan d’implantation exige la préservation des maisons. La Ville dispense le promoteur de tous les frais de permis, et le Comité de dérogation permettra l’ajout de six étages après la signature de l’accord initial.

En 2002, la Ville autorise l’enlèvement temporaire des quatre maisons de leurs fondations pour permettre la construction de la tour d’appartements. Le 13 novembre en soirée, une des maisons s’effondre subitement. Le lendemain, le promoteur en démolit une autre – sans permis et à l’encontre des accords conclus avec la Ville – ayant jugé qu’elle présentait un risque imminent d’écroulement. Avant que les responsables municipaux aient le temps d’examiner le site, le promoteur fera disparaître toute trace des 160-162 et 168, rue Waller.

Le président de Patrimoine Ottawa, David Flemming, presse la Ville d’ordonner l’arrêt immédiat des travaux jusqu’à ce qu’une enquête approfondie puisse être entreprise. La Ville refuse.

Patrimoine Ottawa demande aussi à la Ville de porter des accusations criminelles à l’encontre du promoteur pour la démolition illégale des deux maisons. Le 29 janvier 2003, le conseil municipal accepte un règlement hors cour : le propriétaire paie 250 000 $ et évite toute accusation pour les démolitions illégales.

Patrimoine Ottawa et Action Côte-de-sable insistent pour que le montant de l’amende soit affecté à des études sur le patrimoine de Côte-de-sable et à la publication d’une nouvelle édition de l’ouvrage Ottawa : Guide du patrimoine bâti. En 2007, la Ville engage une équipe de consultants pour mener à bien l’étude sur le patrimoine de la Côte-de-sable, qui sera soumise à la Ville en 2010.

Pressée par Patrimoine Ottawa, la Ville prévoira dans son nouveau plan directeur une disposition exigeant qu’à l’avenir en pareilles circonstances, un promoteur doive verser une garantie financière conséquente comme condition d’un accord sur un plan d’implantation.

La tour d’appartements de 16 étages « 50 Laurier », œuvre du cabinet d’architectes Roderick Lahey, a été inaugurée en 2003. Seulement deux des maisons originales du triangle ont survécu : la maison Odell et le 70, rue Waller. Elles sont toujours louées à l’Université d’Ottawa.