Construction : 1887 - 1888
Architecte : Canon Georges Bouillon
Emplacement : Rue Rideau, entre les rues Waller et Cumberland, Ottawa
Le Couvent Notre-Dame du Sacré-Cœur (appelé familièrement Couvent de la rue Rideau) était une école bilingue pour filles. Inauguré en 1869, l’établissement a rapidement pris de l’ampleur. En 1888, s’y ajoute une grande annexe de deux étages et demi, œuvre de l’architecte Canon Georges Bouillon (1841-1932). On y découvre la saisissante chapelle du couvent.
De plan rectangulaire, la chapelle était superbement décorée, à la néogothique, avec un magnifique plafond à voûte en éventail fait de bois et soutenu par de fines colonnes de fer forgé marbré, et avec un panneau d’autel finement sculpté.
À la fin des années 1960, la laïcisation de l’éducation en Ontario coïncide avec une baisse de fréquentation du couvent. Son programme sera confiné à l’enseignement secondaire en langue française.
En 1969, le Collegiate Institute Board annonce le projet de la nouvelle École secondaire De-La-Salle, dans le secteur est de la Basse-Ville, qui regrouperait les étudiants du Couvent de la rue Rideau et de l’Académie De-La-Salle, située sur la promenade Sussex.
Le 5 décembre 1970, le quotidien Ottawa Journal publie une annonce surprenante : « À vendre : îlot urbain commercial sur la rue Rideau ». Les Sœurs de la Charité vendaient le couvent.
Mary Roaf, présidente de l’organisme Action Côte-de-sable, en alerte le comité du patrimoine de l’organisme La capitale des Canadiens (précurseur de Patrimoine Ottawa). En mai 1971, le nouveau propriétaire, Glenview Realty (Ottawa) Ltd., présente un ambitieux projet d’adaptation des immeubles pour y aménager des commerces et des bureaux. L’ensemble s’appellerait « The Mews ».
L’optimisme n’a pas duré. Après une analyse financière détaillée, Glenview annonce le 14 mars 1972 qu’il renonce au projet initial et demande un permis de démolir.
La Commission de la capitale nationale (CCN) tentera de trouver une solution pour sauver la chapelle, mais en vain. La Ville délivre un permis de démolir le 21 avril.
Les défenseurs du patrimoine entreprennent des démarches aux plus hauts niveaux. Le 27 avril, une lettre de l’hon. Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord, annonce que la Commission des lieux et monuments historiques (CLMH) considère l’intérieur de la chapelle comme revêtant une importance nationale pour son architecture, et incite le propriétaire à le préserver pour peu que ce soit possible.
Fort de la recommandation de la CLMH, le comité du patrimoine et Action Côte-de-sable organisent une manifestation le 29 avril, installant sur l’immeuble une plaque improvisée soulignant l’importance nationale de la chapelle.
Le 3 mai, une réunion porteuse d’espoirs regroupe Glenview, le maire Pierre Benoit et Doug Fullerton, de la CCN. Les parties ne s’entendent pas sur le prix à payer pour acheter la chapelle, d’un montant estimé de 500 000 $.
L’activiste Mary-Anne Phillips (cofondatrice du comité du patrimoine) organise aussitôt une conférence de presse percutante. Devant la foule de reporters, photographes et caméramen de la télévision assemblée à l’heure du midi devant les portes cadenassées du couvent, elle allume une chandelle votive symbolique.
Peut-être est-ce l’impression créée par ce baroud d’honneur qui a produit l’effet recherché. À la dernière heure, une entente a été trouvée, selon laquelle les frais de démantèlement et d’entreposage de la chapelle seraient partagés par la CCN et la Galerie nationale du Canada.
En 1988, après quatre ans de reconstruction, un trésor inestimable du patrimoine architectural et ecclésiastique a été dévoilé au Musée des beaux-arts du Canada. On peut encore l’y admirer aujourd’hui.